Réglement de comptes cuivrés

Agarwaen de Dor lómin, cuivré parmi les cuivrés, Prince et commandeur des croyants d'Oznar, c'est bardé de tous ses titres que le curé fit son apparition dans la citadelle des guerriers disparus. On pouvait lire sur ses traits, durs, coupé à la dague, une expression déterminée. Il n'était point venu en ce lieu pour faire de la comédie; même pas pour boire un verre. C'est dire! Non, le vaillant seigneur cuivré, cheveux au vent, s'avançait fermement vers les lourdes portes forgées de l'arène de combat de la forteresse du cercle.

Face au haut édifice, le commandeur réprima un souffle d'admiration, humecta ses mains rugueuses et les plaqua contre les doubles battants.
Dans un cri d'encouragement, il usa de toute sa force afin de déplacer les panneaux de bois incrustés d'ornements en acier trempé. Pas un centimètre de lumière, la porte était restée fermée. Sans se déconcerter la moindre, il réédita la tentative, s'aidant de l'épaule. Et une fois encore, le portique gardait ses secrets inviolés.
Bouillonnant de l'intérieur, le cuivré jura et se relança à l'assaut de l'arène.

Les badauds commençaient à s'agglutiner et à rire de ce malheureux seigneur dont la force semblait avoir abandonné le corps. Et la scène se répéta un bon nombre de fois, confirmant Agarwaen dans l'humiliation.
C'est alors qu'un nain un peu bourru arriva en courant.

- Nonononon c'est pas comme ça qui faut faire!

Le petit être courtaud et robuste sortit un trousseau de clefs et d'une facilité déconcertante ouvrit les lourde portes de l'arène. Décochant un regard agacé au prince Dor lómínois, il s'en alla aussi vite qu'il était venu. Agarwaen resta devant l'immensité aveuglante de sable brûlant, un instant hébété. Le cercle de combat était splendide, les murailles et les gradins surplombant la scène avec éminence.
Tenant tout de même à sa réputation, le commandeur entra d’un pas assuré, ce même pas qui avait fait sa gloire lorsqu’il marchait contre l’ennemi. Une fois au centre de l’arène vide, il arrangea sa robe, essuya la sueur qui collait ses cheveux bleus et hurla, les mains en porte-voix:

- KETIL DE MALLOREE, montre-toi ! Je ne suis pas venu ici pour faire le clown. L’un de nous deux est de trop et j’ai l’intime conviction que c’est toi !

Une silhouette sombre se leva sur les gradins. Ketil attendait depuis un certain temps la venue du Curé de la CCC et avait fait un repérage de l'arène en prévision du combat. Il abaissa un levier et la grande grille qui menait aux cages des bêtes s'ouvrit sur l'immense dragon qu'il avait cru digne des capacités du prince des croyants Dor Lòminois. Le Grand Chevalier de Mallorée, Créateur et Chef de l'Ordre des Chevaliers Malloréens, ne pouvait pas tester son adversaire sans s'exposer lui-même au danger et il descendit dans l'arène. Il avait decidé que ce combat se ferait à trois surtout pour contenter les hautes autorités de la forteresse. Il sortit Glandra, l'épée qu'il avait fait forger dans une contrée verdoyante d'Azkenor du même nom, contrée réputée pour la qualité de ses produits et pour l'esprit qui y habitait, jusqu'à ce qu'il soit enfermé dans cette épée dont les pouvoirs dépassaient ceux de l'ancienne épée de Ketil, qui en plus était trop bavarde !
Ketil était revétu d'une armure légère qui lui permettait de garder de l'amplitude dans ses mouvements et d'avoir une protection optimale. Cette armure avait été forgée en Legérith, contrée guerrière de Nivalis dont les armures légères étaient réputées pour leur efficacité face aux attaques des moutons et donc de tous les autres types d'attaques !
Le bouclier qui complétait son équipement ne venait pas de loin : la Mallorée, très réputée pour son acier et le talent de ses artisans, avait été le lieu où ce magnifique bouclier avait été forgés. Les meilleurs mages de l'Ordre des Chevaliers l'avaient enchantés et il résistait à toutes les attaques magiques possibles et inimaginable, comme par exemple la flamme d'un dragon ...
C'est ainsi paré que Ketil descendit dans l'arène. Le combat s'annoncait rude mais Ketil savait que son honneur était en jeu. Il fallait à tout prix qu'il terrasse ses deux adversaires !

Un compte cuivré ? Une nouvelle monnaie en cours ? Ca change tout le temps, ces choses là. C'est bien pour cela que Cerim ne s'était jamais senti concerné. Si il avait bein quitté l'île, le Seigneur Ethéré parvenait néanmoins à se libérer un peu de temps pour ses vieux amis. Il déambulait dans la place forte, aux côtés de Tenary.
Les pouvoirs de Cerim lui permettait de quitter son lieu de repos, er même d'emmener sa plus chère amie. Oui, Cerim est un gars balèze.

Il prêtait une oreille distraite aux ragots de la petite cité, préférant se passionner pour les quelques mots murmurés par la jeune prêtresse. Elle tourna la tête vers lui, souriante, avant de se laisser tomber sur sa glaciale épaule. Ou plutôt son bras d'ailleurs, Cerim est un brin plus grand que la jeune demoiselle.
Un observateur averti, ou un poète en mal d'inspiration aurait pensé à un jeune couple. Peut-être en était-ce un même, néanmoins, Cerim ne prêtait pas à la conversation.

Un enfant euphorique poussa Tenary, hurlant à qui voulait l'entendre que les règlement de comptes du cuivre étaient toujours en cours. Ca intéresse même les enfants ? Eh bien...
La jeune prêtresse se tourna vers le Seigneur Ethéré, hésita un instant, et murmura.

- "Il y a des duels ici ?"

Cerim dévisagea la jeune femme, tentant de trouver le lien logique qui unissait cette question à la conversation en cours.

- "Oui. Là-bas d'ailleurs."

D'un ample geste de la main, il désigna une immense bâtisse. La jeune prêtresse hocha la tête, et poursuivit.

- "Il y a un combat en cours d'après ce que disent les gens."

Les gens n'ont qu'à mieux s'exprimer si ils veulent être compris. C'était ce que pensait au fond de son esprit le Seigneur Ethéré. Mais, soucieux de ne pas froisser la joyeuse prêtresse, il dit simplement.

- "Ah... Tu veux y aller ?"

Elle le regarda, un nouveau sourire s'étirant sur ses lèvres.

- "Je n'aime pas les combats... Mais, juste pour voir alors."

Cerim se permit un sourire. Et dire que c'était cette même jeune femme qu'il tenait aujourd'hui dans ses bras qui l'avait épuisé au sujet de la guerre.
Ils arrivèrent en vue de l'arène, mais aussitôt le Seigneur Ethéré s'arrêta.

- "Ce sont des célèbrités qui se battent ?"

Un badaud leur répondit, ses enfants dans les bras, courant pour prendre des places.

- "Non non Seigneur ! C'est un paysan habillé en cureton, et un paysan déguisé en guerrier !"

Les gens ne savent plus quoi inventer pour s'amuser. Se déguiser pour se battre... non mais vraiment. Cerim ferma les yeux, et prit dans ses bras Tenary, l'enlaçant contre son torse.
Bien sûr, il aurait pu faire la queue. Mais, il préférait bien avoir la jeune femme contre lui.

Lorsqu'il les rouvrit, ils étaient dans les loges d'honneur, pour le moment encore vides. Tenary souriait, encore frissonnante du contact si particulier de la peau de Cerim. Ils s'assirent, et en profitèrent pour contempler les guerriers qui se faisaient face.

- "C'est pas des paysans."

Tenary haussa les épaules.

- "On dirait pourtant."

C'est sûr, aucun n'avait la prestance d'un Cerim, ou la grâce d'un viking. Euh, oubliez. Néanmoins, Cerim en avait déjà affronté plusieurs fois un physiquement, et verbalement l'autre.
il se renfonça dans son siège, laissant Tenary reposer sa tête au creux de son épaule.

- "Je me demande juste pourquoi ils viennent se taper ici. Remarque, ça ne m'empêchera pas de dormir."

La jeune femme rit, avant de murmurer.

- "Tu ne dors jamais."

Il haussa les épaules, esquissant un léger sourire.

- "De fait."

Visiblement, d'après les bribes qu'il avait entendu, il était question d'une sorte d'honneur bafoué. Et bien, voilà pourquoi la CCC ne va pas très bien, se dit Cerim. Si il profite de leur temps libre pour se vider les entrailles, il ne faut pas s'étonner.
D'humeur joueuse, Tenary jouait avec la sangle de l'armure du Seigneur Ethéré. Il sourit.

- "Tu paris sur lequel ?"

Elément capital de ce genre d'événement, les paris faisaient vivre l'Arène. C'était fou le nombre de personne qui donne des sous pour savoir qui tombera en premier.

- "Euh... Le petit là."

Du menton, elle pointa l'endroit situé devant elle.

- "Ahem... Lequel ?"

Tenary tendit un doigt fin vers le centre de l'Arène.

- "Le petit."

Cerim suivti des yeux le doigt, avant de fixer les cheveux de la jeune femme. Il lui caressa l'épaule, et murmura.

- "Tenary... C'est le concierge lui. Il nettoie le sang, et replace le sable après le combat."

Un nouveau rire agita la prêtresse. Cerim tendit le bras vers les deux protagonistes, qui, fiérement, se dévisageaient.

- "C'est eux. Je penche pour l'ecclésiastique "

Alentour, les gradins s'étaient bien remplis. Il y avait même une personne qui avait cru bon de pénétrer dans les loges d'honneur. Mais soucieux de préserver l'intimité des jeunes gens, et après un regard relativement menaçant de Cerim, il préféra les laisser goûter à ce moment de paix.

- "C'est pour me faire plaisir que tu dis ça, avoue. Et bien, je paris sur l'autre alors. Comme ça, pas de jaloux."

Cerim sourit, reposant son bras sur la taille de la jeune femme. Bizaremment, elle n'avait jamais été gênée par la peau froide de Cerim. Sans doute, d'ailleurs, parce qu'elle était un peu plus chaude lorsque Tenary était là, mais ceci est une histoire qui est, hélas, censurée, alors je ne vous la conterez pas aujourd'hui.

Son adversaire était bien là. Il faut dire que le curé avait, comme à son habitude, pris son temps avant d’entreprendre le voyage jusqu’au lieu du duel. Lieu qui convenait parfaitement à ce type de duel, s’ailleurs. Le commandeur Dor lóminois avait en effet pris le temps de déjeuner copieusement car comme le dit un des dictons populaires de Dor lómin : "si tu bouffe pas, ton adversaire t’occira".

Ketil, roi de Mallorée devait donc attendre depuis une bonne plombe. Il en avait même profité pour observer attentivement les différents leviers de commandes des cages et c’est maintenant à deux adversaires que le commandeur cuivré devait faire face ; Ketil de Mallorée et… Un énorme dragon flambant la forme. Agarwaen ne pu s’empêcher de proférer un juron.

- Non de dieu Ketil, étron de chameau ! T’aurais pas pu choisir plus petit ? J’ai plus vingt ans, tu sais !

Puis levant les yeux au ciel,

- Pardon Seigneur !

Les arènes se remplissaient peu à peu et la pression se faisait grandissante pour les combattants qui au-delà de leur différent d’honneur se devaient de faire bonne figure ; pour le spectacle et pour la renommée de la guilde aux trois C. Le prince Agarwaen laissa planer son regard sur le public encore un instant avant qu’une odeur de roussi ne le ramène à baisser les yeux sur ses bottes. Du moins ce qu’il restait de ses bottes. Le dragon n’avait pas pris le temps d’évaluer la capacité maximale du stade, lui.

D’une magistrale pirouette de rétablissement, geste dont on n’aurait pas cru capable le curé, Agarwaen recula de quelques mètres et porta la main à son ceinturon. Le round d’observation était terminé. Le cuivré allait tirer son épée du fourreau de la même couleur et tenter une botte éclair de sa spécialité, mais… Ce fût la surprise qui lui porta un coup encore plus rapide.

Agarwaen tenait dans ses mains un long manche de bois jaune ponctué d’une partie plate de métal. Il se remémorait avoir tué bien des mauvaises herbes avec cet outil et pourtant, à ce jour, aucun dragon. Son adversaire ailé confirma ses doutes au curé en carbonisant littéralement la bêche de jardinier qui avait malencontreusement remplacé son épée.

Ni une, ni deux, le commandeur cuivré pris ses jambes à son cou et se dirigea, à pied nu, vers les grillages à l’est de l’arène où semblaient être entreposés les attirails des gladiateurs.

Pendant ce temps, Ketil avait réussi à détourner l’attention du monstre légendaire et paré de tous ses artefacts magiques lui faisait face, dignement.

- Eh ! Regarde la-bas, dans cette loge ! Un homme a volé tes oeufs !

C'est avec ces mots que Ketil détourna l'attention du dragon et se dirigea vers le commandeur de Dor Lòmin.

- Alors c'est comme ça que l'on se bat en Dor Lòmin ? On fuit pieds nus ? C'est beau le courage, Agarwaen !

Cette réplique cinglante n'était que pure cruauté mais Ketil faisait tout pour exciter la rage du Prince. L'affront qu'il avait subi ne pouvait qu'être lavé dans le sang ! Ketil s'approcha calmement de son adversaire alors que celui-ci attrapait une masse d'arme qui aurait pu en impressioner plus d'un ... mais Ketil n'étais pas de ceux-là ! Une masse d'arme n'était dangereuse que lorsque l'on savait la manier !
Agarwaen n'était pas de ceux-là : tout le monde connaissait sa dextérité à l'épée mais personne n'avait jamais vu le Prince se battre avec une telle arme ! Ketil chargea son adversaire d'un coup d'estoc que celui-ci para avec brio grâce au lourd manche de sa masse. Ketil s'étala par terre. Il venait de faire une erreur. Il avait sous-estimé son adversaire ! Ce coup si facilement paré le tournait en ridicule et il fallait qu'il réagisse ! Se relevant promptement, Ketil se mit en garde et attendit l'assaut du Commandeur des Croyants Dor Lòminois.